Redécouvrons l'Art Nouveau


La revue Le Nord publie dans son numéro de décembre 2015 ce document sur l'art nouveau dans la région où il est question d'un certain Gabriel Pagnerre ... mais rien sur deux œuvres menacées : le cinéma le Mondial à Lille-Wazemmes, ou la Maison du Peuple à Halluin qui mériteraient qu'on s'y attarde !




Une très belle remise en valeur


Cette construction, réalisée en 1925, rue Pasteur à Mons-en-Barœul, de l'architecte Gabriel Pagnerre est emblématique. Il s'agit de sa première tentative de modernisme dans le domaine privé. Située au 74 rue Pasteur, au milieu de nombreuses autres habitations de ce même architecte, elle a subi diverses fortunes. Cette habitation témoigne d'une période architecturale, richesse de notre patrimoine qui commence seulement à intéresser quelques particuliers. On pourrait comparer - toutes proportions gardées - avec le sort réservé à la Villa Cavrois de Mallet-Stevens, sortie de terre 7 années plus tard et dont le devenir a aussi suscité bien des inquiétudes, pour être enfin ouverte au public le 13 juin 2015.

Il existe d'autres œuvres de cette même influence, l'une sur le Grand Boulevard dite maison isotherme ou maison double, souvent attribuée à tort - mais quelle satisfaction - à Mallet-Stevens ou Le Corbusier, mais aussi des bâtiments publics comme les écoles de St Pol sur Mer et sa sœur jumelle d'Halluin détruite, tout comme le dispensaire également démoli à Halluin.
Un article paru, le 3 juin 2015, dans La Voix du Nord sous la plume d'Alain Cadet, résume les aléas de cette maison. Bravo pour cette belle rénovation. 


Mons-en-Barœul : Retour vers le passé pour une maison de Gabriel Pagnerre





Rue Pasteur, les réalisations de Gabriel Pagnerre sont très nombreuses. Elles ont été construites vers le milieu des années 1920 et correspondent à un tournant de la carrière de l’architecte nordiste. Mobilisé pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, Eugène Gabriel ne revient à Mons qu’en 1919. Tout a changé ! D’autres ont pris la place qu’il avait laissée libre. Les réparations de guerre ne sont pas à la hauteur des destructions commises par l’occupant. L’économie est au point mort. Gabriel Pagnerre est un collaborateur régulier de L’Enchaîné, hebdomadaire du parti communiste. Ses talents littéraires ne sont guère appréciés de sa riche clientèle d’avant-guerre.

L’architecte doit évoluer. Il entreprend des programmes de construction de maisons plus économiques que les belles « Bourgeoises » d’avant 1914. La rue Pasteur illustre parfaitement ce tournant avec ses petites maisons, différentes par un détail mais qui se ressemblent toutes. Toutes sauf une : celle du numéro 74.

C’est la première maison en béton armé qu’a osé l’architecte, et c’est probablement la première du genre construite dans la métropole lilloise. 

Avec son toit plat en terrasse, ses murs épurés et ses grandes ouvertures elle s’inscrit dans le courant du « style international » apparu en France au début des années 1920. Pagnerre a, toute sa carrière durant, épousé les courants modernes. Pendant la guerre, dans le génie militaire, il découvre le béton armé. Adoptant les matériaux nouveaux et « l’architecture fonctionnelle », il réalise des constructions novatrices, comme la maison isotherme de Marcq-en-Barœul (1929).

Mathilde et Richard, les actuels propriétaires du 74 de la rue Pasteur, ignoraient qu’ils habitaient une maison Pagnerre. Ils ne le savent que depuis six mois. « Je l’ai appris par le journal, raconte Mathilde. Ma mère a découpé l’article. Elle me l’a apporté. » Le couple adore sa maison, mais pourtant un détail le chagrinait. « Le revêtement en céramique qui recouvrait la maison était horrible, affirme Richard. C’est celui qu’on utilisait pour décorer les boucheries ! ».

Avec l’aide d’une étudiante et d’un logiciel, le couple dépose un permis de construire pour la rénovation de la façade. Ils optent finalement pour un béton brut qui met en valeur son dépouillement.
Le résultat est très proche de ce que devait être la maison à son origine. Et la bâtisse conserve ainsi l’esprit de son concepteur : à la fois moderne et contemporain. A. C. (CLP)






Des nouvelles Pagnerre découvertes à Lille


Nous n'avions que peu de constructions répertoriées de Gabriel Pagnerre à Lille, surtout dans le quartier de Fives - Hellemmes. Ceci pouvait sembler paradoxal, compte tenu qu'à partir de 1923, il y installe son cabinet d'architecture place de la République.

Un architecte vient de nous identifier toute une série de constructions, qui ont plus qu'un air de ressemblance, dans le quartier de Wazemmes. Nous connaissions bien entendu le cinéma Le Mondial, rue Racine et sa superbe façade art déco qui se dégrade, ce dont la ville de Lille ne semble guère s'émouvoir. Cela nous rappelle par trop une déclaration de Pierre Mauroy, assurant que la Villa Cavrois n'avait aucun intérêt ! Etonnant parallèle à un moment où justement cette construction emblématique de Mallet-Stevens va devenir un lieu touristique incontournable de la métropole lilloise. (Voir le site des Amis de la Villa Cavrois, qui est également géré par Eugénies).

Mickaël Funari nous décrit sa dernière trouvaille lilloise : " Il m'a semblé voir un " pagnérisme ", rue de Maubeuge à Lille. La façade à été grossièrement repeinte, il est donc difficile de retrouver tous les éléments de composition qui aurait pu confirmer mon intuition. Cela dit les gardes-corps sont en bon état et on arrive a distinguer certains appareillages de brique malgré la peinture. On note par exemple des différences de texture entre les lits de briques sous l'arc de la baie du rez-de-chaussée qui laisse supposer une alternance de couleur ... "




Auparavant il nous avait mis sur la piste d'un superbe ensemble à l'angle du Boulevard Montebello et de la rue Jean du Solier. 





Nous avons poursuivi sur ce boulevard pour dénicher une ancienne échoppe d'artisan boulanger, devenue un estaminet, qui possède des coffres de gouttières très originaux, avec des pelles de boulanger. Ces éléments sont à comparer avec les cabines de bains situées sur les gouttières des maisons d'Armentières. Cette construction serait classée (sans doute plutôt inventoriée) d'après son propriétaire. Son enseigne actuelle " Brasserie Coup de cœur " est tout un symbole. Elle se situe juste en face du lycée Européen Montebello.



A noter aussi une façade typiquement de style Pagnerre rue d'Esquermes (ci-dessous)


La Légion d'Honneur de Pagnerre et son parcours militaire

Gabriel Pagnerre, qui est né le 4 octobre 1874, est âgé de presque 40 ans quand il est incorporé. Il aurait pu être dispensé, en raison de son âge et des ses 3 enfants à charge, d'autant que sur son livret militaire figure la mise en réserve du service actif programmée au 1er novembre 1914, soit à deux mois et demi près. 


L'orde de mobilisation arrive alors qu'il est sur le littoral avec sa famille. Il parvient à rejoindre son corps d'armée le 13 août 1914, 11 jours après l'avis de mobilisation. Il arrive au 8e régiment d'infanterie basé à Lille, qui est son unité d'affectation depuis le 11 mars 1909. Il avait été auparavant au 18e bataillon de chasseurs à pieds à Lille. C'est comme soldat de 2ème classe qu'il est incorporé.


Il obtient le grade de caporal le 6 décembre 1914, puis celui de caporal fourrier, quelques jours plus tard, le 10 décembre 1914.


C'est donc ce grade qu'il a quand est prise la photographie ci-dessous, le 19 janvier 1915. A cette époque, tout le monde pense que la guerre va être rapide, et personne n'imagine que l'année 1915 sera la plus terrible de toutes. Il écrit de Téteghem le 8e tranquille ! D'ailleurs, il a noté guerre 1914-1915, car bien entendu dans quelques mois tout sera fini ...



Le 9 juin 1916, paraît au Journal Officiel, l'avis de passage de Gabriel Pagnerre dans le génie avec son grade de sous-lieutenant, obtenu le 23 août 1915, à titre temporaire (territorial). Il sera affecté au 1er régiment du génie le 5 octobre 1916 et c'est, à Verdun, le 25 octobre qu'il dessine, en temps que chef de service des communications du corps d'armée, le plan « Abri et dépendances pour l'officier ».



On sait, d'après son livret militaire, qu'il a été affecté au 7e régiment du génie de la VIIe armée à partir du 15 mai 1918. A cette époque, il est lieutenant à titre définitif, grade qui lui a été accordé le 9 mars 1917. Il était auparavant au 1er régiment du génie depuis le 5 octobre 1916. Les officiers du génie sont de vrais techniciens, dans des disciplines aussi variées que le franchissement de cours d'eau (pontage), la direction des chantiers (aménagement de routes, pose de voies ferrées à écartement réduit, etc), le creusement de galeries de mines, le maniement de charges explosives, le travail du béton ...


Il sera nommé Lieutenant à titre définitif (territorial) le 23 octobre 1917.



Ce cliché pris à Calais, lors d'une permission, le 3 juin 1916, rassemble Eugène Gabriel, son épouse et les 3 enfants : Marc, Claude et Nelly. C'est l'unique photographie retrouvée qui présente la famille Pagnerre au complet.

Deux régiments disposent d'une spécialisation : le 5e génie, régiment des chemins de fer et le 8e génie, régiment des transmissions.


Blessé à deux reprises, Gabriel Pagnerre, termine la guerre comme officier du génie en Alsace libérée, il ne sera démobilisé que le 8 janvier 1919. Il aura participé à la campagne d'Allemagne du 13 août 1914 au 8 janvier 1919.


Il est indiqué que la durée totale des services civils et militaires est de 25 ans 1 mois et 17 jours.



Le livret militaire de Gabriel Pagnerre. On y apprends qu'il avait des yeux bleus.

La Légion d'Honneur, la médaille dont il était le plus fier


Avec ses 3 années de service militaire, que l'on peut compter sur son livret, ce seront donc presque 8 ans de sa vie que ce monsois passera sous les drapeaux. Il obtiendra trois médailles qui figureront sur ses documents officiels : La Légion d'Honneur, la Croix de Guerre et la médaille du combattant.




Gabriel Pagnerre a été nommé Chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur, le 20 juin 1920, à titre militaire.


C'est en mai 1921 qu'aura lieu la remise officielle de l'étoile à cinq rayons doubles, émaillée de blanc, surmontée d'une couronne de chêne et de laurier, avec la devise " Honneur et Patrie " inscrite au revers. 

Cet extrait du journal L'Egalité de Roubaix Tourcoing, daté du 21 février 1921, nous apprend que c'est principalement pour un fait d'armes survenu au tunnel de Tavannes à Verdun en août 1916. On sait que Gabriel Pagnerre venait de changer d'arme pour passer, sur sa demande, du 8ème régiment d'infanterie (basé sur le secteur de Dunkerque) au 1er régiment de génie (situé sur le front à Verdun). Le tunnel de Tavannes a été le siège d'une terrible catastrophe, le 4 septembre 1916, avec le décès de plus d'un millier de soldats pris au piège d'une explosion accidentelle. Cet événement a été longtemps occulté pour des raisons stratégiques.

Voir, en cliquant ici, les pages consacrées au parcours de Gabriel Pagnerre durant le premier conflit mondial, dans la brochure " Le centenaire de la guerre 1914-1918 à Mons-en-Barœul "


Gabriel Pagnerre signe le récépissé le 8 mai 1921


Le procès verbal date d'un an plus tôt, du 8 mai 1920


Les différentes pièces rassemblées par Gabriel Pagnerre pour constituer le dossier sont archivées dans la base Léonore, comme son extrait de casier judiciaire du 23 décembre 1920.


La fiche de renseignements du 8 janvier 1921 avec les différents grades (agrandissement ci-dessous)



Rang du 20 juin 1920 et décret du 19 février 1921, avec l'indication ne pas remplacer à la vacance.


Le décret de nomination au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur du 19 février 1921


Gabriel Pagnerre joint également un extrait de son acte de naissance du 16 mars 1921


Le 29 avril 1921 Gabriel Pagnerre s'acquitte des droits pour un montant de 56,40 francs.


Transmission des pièces par Gabriel Pagnerre le 30 avril 1921. Cette lettre porte une rare entête avec la double adresse à Mons-en-Barœul et Lille. A remarquer qu'il fait déjà figurer La Croix de la Légion d'Honneur à côté de son nom au milieu des 2 autres médailles déjà obtenues, la Croix de Guerre et la médaille du combattant.


Le récépissé de décoration du 8 mai 1921


Le récépissé de brevet signé le 19 juin avec un tampon du 20 juin 1921.


Gabriel Pagnerre fait figurer La Croix de la Légion d'Honneur dans son entête entre La Croix de Guerre et la médaille du combattant.